Le vent du large souffle fort en Nouvelle-Aquitaine. Si les côtes atlantiques continuent d’attirer les vacanciers, de plus en plus d’Aquitains choisissent désormais des destinations lointaines pour satisfaire leur soif d’évasion. Des plages thaïlandaises aux sommets andins, en passant par les plaines africaines, le monde devient terrain d’exploration pour ceux qui veulent déconnecter, découvrir, et parfois se retrouver. Mais qu’est-ce qui motive ces choix ? Et vers quelles terres lointaines les yeux des voyageurs aquitains se tournent-ils ?
Un besoin d’ailleurs après les confinements
La pandémie a laissé une empreinte durable : celle d’un besoin pressant de liberté. « Je n’avais jamais mis les pieds en dehors de l’Europe, témoigne Nadège, 37 ans, infirmière à Limoges. En 2023, je suis partie au Costa Rica avec deux amies. On avait besoin de nature, de chaleur, de quelque chose qui nous sorte de notre quotidien ». Elle n’est pas un cas isolé. Selon une enquête menée par le Comité régional du tourisme de Nouvelle-Aquitaine, près de 42 % des habitants ayant voyagé en 2023 hors d’Europe l’ont fait pour « se sentir vivants ».
Ce sentiment d’urgence, cette volonté d’en faire « plus et mieux » s’exprime désormais dans les choix de destinations. Loin d’un tourisme de masse, certains préfèrent des expériences sur mesure, parfois même engagées.
Des destinations qui font rêver (et réfléchir)
La Thaïlande reste une favorite. Surtout pour les habitants de Bordeaux et de Toulouse, connectés par vols directs ou escales courtes vers Bangkok. L’archipel de Koh Phi Phi, le nord de Chiang Mai, ou encore les temples d’Ayutthaya figurent en haut des listes de voyages. Mais l’engouement ne se limite pas à l’Asie du Sud-Est. L’Amérique du Sud attire de plus en plus.
Le Pérou, notamment, séduit par sa diversité de paysages. Entre la Cordillère des Andes, le lac Titicaca et la jungle amazonienne, le pays offre un condensé d’aventure pour les amoureux de nature et de culture. « C’est une claque, confie Guillaume, un enseignant originaire de Pau. Je suis rentré de là avec un regard différent sur le monde. Et sur moi-même aussi ». Le Machu Picchu n’a pas fini d’attirer les âmes curieuses.
L’Afrique, parfois moins considérée dans les catalogues classiques, revient fortement parmi les préférences. La Namibie, le Kenya et le Maroc captivent les esprits. Les safaris, les rencontres avec les populations locales et l’immersion dans des territoires puissants contribuent à cette montée en popularité.
Voyager, mais pas n’importe comment
Le profil du voyageur aquitain évolue. Loin du sac à dos improvisé de l’époque estudiantine, on observe une montée du voyage conscient. Les agences spécialisées dans le tourisme éthique comme Double Sens ou Terre d’Aventures enregistrent une hausse importante des clients originaires de la région. Partir, oui, mais pas sans impact réfléchi.
« Nous avons vu une vraie inflexion dans les comportements », explique Élodie Martin, responsable d’une agence de voyages responsable implantée à La Rochelle. « Les gens posent des questions précises : est-ce que l’hébergement est local ? Est-ce que les guides sont rémunérés dignement ? Cela va bien au-delà du simple label écologique ».
Des circuits en immersion dans des communautés rurales au Népal, des séjours solidaires à Bali ou encore des randonnées encadrées par des guides locaux au Sénégal… Ces pratiques séduisent un public en quête d’authenticité, mais aussi de cohérence avec ses valeurs. Loin du tourisme « carte postale », l’expérience et la rencontre deviennent les piliers du voyage moderne.
Aérien : entre facilitation et contradictions
Avec l’ouverture de nouvelles lignes depuis l’aéroport de Bordeaux-Mérignac, certaines destinations sont désormais plus accessibles. En 2023, Qatar Airways a par exemple lancé une liaison vers Doha, porte d’entrée vers l’Asie et l’Afrique. Emirates, de son côté, a renforcé ses connexions via Dubaï.
Mais cette facilité a un revers. Car qui dit vols long-courriers, dit aussi empreinte carbone. Certains voyageurs tentent de concilier leur désir de découverte avec cette réalité écologique. Ainsi, selon une étude d’Atout France, 18 % des Aquitains planifiant un voyage lointain en 2024 envisagent une compensation carbone volontaire. Un chiffre encore faible, mais en hausse constante.
Des applications comme GreenTripper ou Tree-Nation gagnent en popularité dans la région. Quelques voyageurs préfèrent couper la poire en deux, et prolonger leur séjour sur place pour que le ratio entre émissions et durée du voyage prenne un peu de sens. « Si on prend l’avion, autant rester trois semaines que trois jours », commente Delphine, consultante en télétravail à Anglet.
Des souvenirs, pas des clichés
Le rapport au voyage change aussi dans la façon dont les expériences sont vécues et racontées. Moins d’Instagram, plus de journaux de bord. Moins de selfies, plus de conversations. « Ce que je retiens le plus, c’est cette nuit passée sous une tente berbère dans le désert marocain. On a parlé des heures avec Mohammed, notre hôte, devant un feu. C’était simple. Fort. Vrai », raconte Julie, photographe indépendante résidant à Bergerac.
Les agences l’ont compris. Certaines orientent désormais leurs offres vers la narration, le récit personnel. Des carnets de voyage personnalisés sont même offerts à certains clients. Car partir, ce n’est plus seulement voir. C’est aussi se raconter une histoire.
Quel avenir pour le voyage lointain en Nouvelle-Aquitaine ?
La tendance est là : durable, profonde, et sans doute amenée à évoluer encore. Toutefois, entre envies de départ et enjeux climatiques, les contradictions demeurent. Une partie des voyageurs explore déjà des alternatives : train longue distance, voiliers, slow travel… D’autres préfèrent espacer leurs départs lointains au profit d’un retour vers des escapades locales plus fréquentes.
Il y a vingt ans, quitter la région pour découvrir le Japon ou l’Argentine relevait du projet de vie. Aujourd’hui, c’est un projet de vacances – intense, préparé, et toujours plus personnalisé. Mais une chose reste inchangée : l’envie d’ailleurs. Cette curiosité intacte que beaucoup d’Aquitains nourrissent, comme un besoin viscéral d’élargir leurs horizons. Et peut-être, au fond, de mieux comprendre leur propre territoire.
Alors, le prochain vol partira-t-il vers Hanoï, Lima ou Le Cap ? L’essentiel n’est peut-être pas la destination, mais ce que chacun décide d’y chercher.
