Logement, énergie, mobilité, numérique… : ces mots-clés sonnent comme des défis pour les années à venir. En Nouvelle-Aquitaine, ces enjeux prennent une forme concrète avec la SRDEII, la Stratégie Régionale de Développement Economique, d’Innovation et d’Internationalisation. Un nom un peu barbare, certes, mais un document décisif pour l’orientation économique du territoire jusqu’en 2030. Que dessine cette feuille de route régionale ? Quels impacts pour les acteurs locaux, les entreprises ou les citoyens ? Décryptage.
Un cap régional pour l’économie de demain
La SRDEII n’est pas un simple document administratif. C’est une boussole. Initiée et votée par le Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine, elle fixe les priorités et les moyens mobilisés pour accompagner le développement économique de la région sur les huit prochaines années.
Dans un contexte de transitions multiples – environnementale, numérique, sociétale – la Nouvelle-Aquitaine affiche une ambition claire : concilier compétitivité économique, attractivité des territoires et justice sociale.
Comme l’explique Claire Delpech, chargée de mission au Conseil régional : « La SRDEII 2022-2030, c’est avant tout un outil au service des entreprises, mais aussi des citoyens. Elle repose sur une vision partagée du développement économique, durable et résilient. »
Sept grands axes pour structurer l’action
Le document s’articule autour de sept grandes orientations stratégiques. Toutes poursuivent un équilibre entre soutien à l’économie récente et valorisation des ressources locales.
- Favoriser l’innovation et la recherche pour porter les talents régionaux vers l’excellence.
- Soutenir les transitions écologique et énergétique, en lien avec les objectifs du Green Deal européen.
- Développer une économie de proximité, territorialisée, en soutien aux petites entreprises, aux artisans, aux coopératives.
- Renforcer l’attractivité et l’internationalisation des secteurs d’excellence régionaux, comme l’aéronautique, l’agroalimentaire ou la santé.
- Miser sur les compétences et la qualification, avec un accent mis sur la formation et l’université.
- Structurer les filières d’avenir (hydrogène, biotech, numérique responsable…).
- Réduire les fractures territoriales en assurant un équilibre entre espaces urbains et zones rurales.
Des principes capables de fédérer des acteurs très divers, du maire d’un village du Lot-et-Garonne à la présidente d’une startup implantée à Bordeaux ou Limoges.
Des exemples concrets dans les territoires
Pour éviter l’effet « usine à gaz », chaque orientation se traduit par des dispositifs opérationnels. Sur le terrain, cela prouve que nous ne sommes pas devant un catalogue de bonnes intentions.
À Mauléon, dans les Pyrénées-Atlantiques, un ancien site industriel a été réhabilité pour accueillir une plateforme locale de reconditionnement numérique. C’est un projet soutenu par la région via un appel à projets de la SRDEII. L’objectif : former les jeunes du territoire, créer des emplois durables et favoriser l’économie circulaire.
À Limoges, une filière céramique innovante, adossée à un pôle universitaire, reçoit des financements dans le cadre de cette stratégie. Sur le site de l’ancienne usine Legrand, reconvertie en « Manufacture du Futur », on travaille sur de nouveaux matériaux pour l’électromobilité.
Des exemples comme ceux-ci, il en existe des dizaines. En Dordogne, une entreprise du BTP spécialisée dans les matériaux biosourcés développe une nouvelle gamme grâce à un soutien régional ciblé. En Gironde, des projets liés à l’œnotourisme écologique sont accompagnés via la logique de développement local intégré.
Quel impact pour les entreprises néo-aquitaines ?
La SRDEII vise aussi à sécuriser les entreprises dans des périodes d’incertitude. Les aides régionales sont conditionnées à des engagements environnementaux et sociaux. Par exemple, une entreprise souhaitant investir dans l’automatisation de sa production pourra bénéficier d’un accompagnement, à condition d’intégrer une réflexion sur les impacts en matière d’emploi ou d’énergie.
L’objectif assumé est d’éviter les logiques de court terme. Comme l’indique Romain Géroudet, dirigeant d’une PME du secteur nautique : « On a reçu un appui de la Région pour développer un prototype de bateau à hydrogène. Sans cela, on n’aurait pas pu franchir ce cap d’innovation. Mais le dispositif nous a aussi poussés à revoir notre mode de production, nos circuits d’approvisionnement. »
Avec la SRDEII, l’entreprise devient actrice d’un projet collectif. Des passerelles sont créées entre monde économique, recherche, associations et institutions. Une stratégie qui favorise l’émergence de clusters territoriaux, comme à La Rochelle, où transition énergétique et industrie navale se rejoignent autour du port bas-carbone.
Des tensions, mais aussi des ajustements
Comme toute stratégie ambitieuse, la SRDEII ne fait pas l’unanimité. Certains élus locaux pointent un manque de lisibilité dans l’articulation entre politiques régionales et initiatives départementales ou intercommunales.
Du côté des entrepreneurs, on regrette parfois la lenteur des procédures administratives. « Il faut souvent patienter des mois avant d’avoir une réponse à un dossier », confie un chef d’entreprise du Nord-Charente.
D’autres voix s’élèvent sur le volet social : « Il faudrait aller plus loin en termes d’accompagnement des zones rurales fragiles, où les dynamiques de désertification s’amplifient », souligne Nadine Thuillier, maire d’un village creusois.
Mais la Région se montre attentive. Des ajustements sont régulièrement réalisés via des comités de suivi. De nouvelles priorités émergent également, comme le soutien renforcé aux tiers-lieux ou aux projets collectifs portés par les habitants.
Un outil évolutif, au service d’une vision territoriale
La force de la SRDEII réside dans sa capacité à s’adapter. Elle n’est pas figée. Chaque année, des évaluations alimentent une réflexion collective. En 2023, un volet spécifique a été ajouté pour prendre en compte les effets de la crise énergétique et des tensions géopolitiques sur les chaînes de valeur régionales.
C’est aussi ce qui fait son intérêt : elle favorise une gouvernance en mouvement, où collectivités, citoyens, associations et entreprises sont conviés autour de la table. Un fonctionnement salué par Séverine Maillard, directrice d’un réseau d’innovation sociale à Poitiers : « On sent que les lignes bougent. Il y a une volonté d’ancrer l’économie dans une logique de coopération, pas de compétition. »
La Nouvelle-Aquitaine s’affirme ainsi comme un territoire-laboratoire, où expériences locales et investissements structurants cohabitent dans une même stratégie. Ni rêve technocratique, ni solution miracle, mais un cadre collectif mis en œuvre avec pragmatisme.
Et maintenant ?
Reste à savoir comment les prochaines années consolideront (ou non) les résultats de cette stratégie. Le défi est de taille : donner corps à une économie résiliente, green et solidaire, sans perdre de vue la réalité des territoires.
Une chose est sûre : au cœur des villages, dans les friches industrielles reconverties, dans les espaces de coworking et les laboratoires, une nouvelle dynamique est à l’œuvre. Reste à la nourrir, à la relier, à l’orienter lucidement. La SRDEII est un levier. Mais comme tout levier, encore faut-il qu’on s’en saisisse.
Et vous, dans votre commune, votre entreprise, votre association, qu’avez-vous observé ? Faut-il aller plus loin, ou simplement agir mieux ? N’hésitez pas à partager vos retours, expériences ou espoirs. Le débat est ouvert.
