Situé en lisière de forêt, à quelques kilomètres du centre de Léognan, le lac Bleu intrigue autant qu’il attire. Cette étendue d’eau aux reflets turquoise, nichée au cœur des Graves, suscite la curiosité des promeneurs comme des baigneurs. Mais que cache vraiment ce site à l’allure paradisiaque, et quelles sont les règles à connaître avant de s’y aventurer ? Enquête sur un spot aussi photogénique qu’inhabituel.
Un coin de nature prisé, mais méconnu
Le lac Bleu ne figure sur aucune carte touristique officielle, et pour cause : son existence relève presque du bouche-à-oreille. Pourtant, chaque été, on y retrouve des dizaines de visiteurs – familles locales, amateurs de calme ou joggeurs du dimanche – venus profiter d’un cadre naturel singulier, à une vingtaine de kilomètres au sud de Bordeaux.
Ce plan d’eau artificiel tire son nom de la couleur surprenante de son eau. Selon les riverains, ce bleu si particulier proviendrait de la nature calcaire du sol, combinée à la lumière rasante du soleil filtrée par les pins des alentours. « C’est un endroit à part, on se croirait dans le Sud, voire à l’étranger », confie Alain, retraité de Martillac, croisé au bord du chemin. Il vient y marcher depuis des années, toujours avec la même admiration.
Une histoire industrielle en toile de fond
Ce qui rend le lac Bleu encore plus insolite, c’est son origine. Il ne s’agit pas d’un lac naturel, mais bien d’une ancienne gravière exploitée dans les années 1980. Abandonnée depuis, la carrière s’est remplie d’eau, formant petit à petit cette pièce d’eau aujourd’hui fréquentée par le public. Aucun aménagement touristique n’a été prévu, ce qui donne au site son cachet brut et sauvage mais soulève aussi des questions de sécurité.
Malgré l’absence de signalisation officielle, il est devenu un lieu de détente, reconnu, notamment via les réseaux sociaux. « C’est magnifique, mais on ne sait jamais vraiment si on peut y aller ou pas », témoigne Julie, une étudiante de Gradignan venue pique-niquer avec ses amis. L’ambiguïté persiste entre le statut privé de la zone et l’usage qu’en fait le public, de plus en plus nombreux à la belle saison.
Baignade : autorisée ou tolérée ?
C’est la question que se posent nombre de visiteurs : peut-on vraiment se baigner dans le lac Bleu ? Officiellement, la réponse est non. La baignade y est interdite par arrêté municipal depuis plusieurs années, en raison de l’absence de surveillance et de la qualité de l’eau, non contrôlée.
En pratique, pourtant, les baigneurs sont nombreux à plonger dans ses eaux limpides en été. Certains prennent la précaution de venir tôt le matin ou en fin de journée, évitant les heures de forte affluence, d’autres ignorent purement et simplement les panneaux d’interdiction ou n’en ont jamais vus. La mairie de Léognan, contactée à ce sujet, rappelle fermement les règles : « Le site n’est pas aménagé pour accueillir du public. La baignade y est strictement à vos risques et périls. »
Un message clair, mais insuffisant pour décourager les plus téméraires. Reste que les visiteurs doivent être conscients des risques : variations soudaines de profondeur, absence de zones de repos dans l’eau, berges parfois instables. Les enfants, notamment, doivent être surveillés de près.
Un sentier pour les marcheurs paisibles
Si la baignade demeure controversée, le tour du lac est en revanche parfaitement accessible. Un sentier sommaire permet de faire le tour de l’étendue d’eau – comptez environ 1,5 km pour une boucle complète. Le terrain, plat et ombragé, se prête à la marche douce, à la course à pied ou encore au VTT pour les plus sportifs.
Sur place, aucun banc ni aire de jeux, mais la tranquillité des lieux séduit ceux qui recherchent une échappée hors des sentiers battus. « C’est parfait pour une balade en fin de journée, après le boulot. On entend les oiseaux, on voit à peine la route… ça fait du bien », partage Lina, assistante maternelle habitante de Léognan.
L’endroit est également propice à l’observation de la faune. Libellules, poules d’eau, écureuils… Il n’est pas rare de croiser quelques habitants discrets des lieux. Pour les photographes amateurs, les reflets bleutés du lac au coucher du soleil valent à eux seuls le détour.
Des enjeux de préservation à long terme
La popularité grandissante du lac Bleu n’est pas sans conséquences. Au fil des mois d’été, les riverains notent l’accumulation de déchets, des comportements bruyants ou irrespectueux, et la détérioration de certaines zones du sous-bois. « On commence à voir des sacs plastiques accrochés aux branches, des bouteilles dans l’eau… Ça m’écœure un peu », avoue Pascal, ancien employé forestier, qui préconise une meilleure sensibilisation des visiteurs.
La mairie, de son côté, réfléchit à l’encadrement du site. Plusieurs options sont évoquées, sans décision actée : installation de panneaux d’information, circulation régulée, voire un partenariat avec des associations environnementales pour assurer un suivi. Une réflexion à mener en partenariat avec les habitants et les usagers réguliers, nombreux à être prêts à participer à une initiative collective.
Comment accéder au lac Bleu ?
Le lac Bleu se trouve au sud-est de Léognan, en bordure de la D109, entre les domaines viticoles et les massifs boisés. Aucun panneau ne signale sa présence, mais le spot est connu des habitués. Pour s’y rendre :
Attention : le chemin d’accès peut être boueux après les pluies et n’est pas adapté aux poussettes ou aux fauteuils roulants.
À savoir avant de partir
Un équilibre à trouver entre usage et protection
Le lac Bleu de Léognan est un lieu atypique, flirtant entre nature et patrimoine post-industriel. Son attrait est indéniable, mais sa fréquentation soulève un enjeu central : comment préserver ce havre de paix sans en faire un produit touristique de masse ?
Les élus locaux, tout comme les habitants, s’interrogent désormais sur la meilleure façon d’encadrer ce lieu sans le dénaturer. Car le charme du lac réside précisément dans son caractère confidentiel, presque secret.
Faut-il l’aménager davantage, au risque de perturber l’équilibre fragile du site ? Ou au contraire, limiter les accès, en appelant à une responsabilité partagée entre usagers ?
À Léognan, le débat est ouvert. Et chacun, promeneur ou citoyen, est invité à y prendre part. Car un lieu aussi riche mérite plus que des likes sur Instagram : il appelle à la vigilance, au respect — et à un regard renouvelé sur notre relation à la nature.