Sur la rive droite de l’estuaire de la Gironde, posé entre marais et océan, un édifice discret mais chargé d’histoire contemple les eaux depuis plus d’un siècle : le phare de Richard. Loin de l’agitation touristique des côtes méditerranéennes ou atlantiques, ce phare girondin séduit les curieux, les amateurs de patrimoine et les promeneurs en quête d’horizons calmes. Un lieu modeste, mais profondément enraciné dans le paysage et la mémoire locale.
Un phare né d’un besoin vital de sécurité
En 1843, l’embouchure de la Gironde est un carrefour stratégique pour la navigation vers Bordeaux. Les bancs de sable y sont redoutés, les courants traîtres, et les naufrages fréquents. C’est dans ce contexte que le phare de Richard sera construit, répondant à une nécessité primordiale : sécuriser la navigation fluviale à l’entrée de l’estuaire.
De taille moyenne, avec sa tour hexagonale en pierre mesurant 18 mètres de haut, il n’avait rien d’un mastodonte à la Pointe Saint-Mathieu ou Cordouan. Mais il faisait son office, efficacement. Allumé pour la première fois en 1843, il fonctionnera sans arrêt jusqu’en 1953. Puis, supplanté par des technologies plus modernes, il s’éteindra, avant de tomber dans l’oubli… temporairement.
Un site sauvé par la mobilisation locale
Comme souvent, c’est la volonté d’habitants attachés à leur patrimoine qui a permis au phare de Richard d’éviter la disparition pure et simple. Dans les années 1980, il tombe en ruine, envahi par les herbes et le silence. Mais une poignée de bénévoles du village de Jau-Dignac-et-Loirac s’est mobilisée : ils créent une association, restaurent pierre par pierre, et redonnent vie au site. Aujourd’hui, c’est un lieu vivant. Les visiteurs peuvent l’explorer, monter à son sommet, observer les carrelets depuis sa plate-forme… Et surtout, comprendre ce que signifie vivre dans l’estuaire.
“Le phare, c’est plus qu’un monument. C’est un témoin de notre histoire fluviale et maritime”, explique Marie-Louise, bénévole et guide locale depuis plus de dix ans. “Chaque été, je vois des enfants découvrir le mot ‘estuaire’. Rien que ça, c’est une victoire.”
À la découverte du phare : que voir, que faire ?
La visite du phare de Richard s’inscrit dans une démarche de découverte douce, entre culture et nature. Le site propose plusieurs espaces à explorer :
- La tour du phare : 63 marches vous séparent du sommet. Là-haut, une vue panoramique sur l’estuaire de la Gironde, les carrelets environnants et le Médoc, tout simplement saisissante.
- Le musée estuarien : modeste mais surprenant, il retrace la vie locale, l’histoire des phares, la faune et la flore du marais. On y croise outils d’époque, maquettes, et témoignages audio.
- Un authentique carrelet visitable : installé juste à côté du phare, cet abri de pêche sur pilotis permet de découvrir les techniques de pêche traditionnelles typiques de l’estuaire.
Le site est en libre accès toute l’année, et les visites guidées sont proposées durant la haute saison. La boutique associative permet de soutenir l’entretien du phare, tout en repartant avec un souvenir local.
Une immersion dans l’estuaire
Le phare de Richard n’est pas juste un point de vue ou un monument historique. C’est une invitation à comprendre un territoire façonné par l’eau. La Gironde, plus grand estuaire d’Europe occidentale, abrite un écosystème unique, interface entre douceur fluviale et houle atlantique. Au pied du phare, les marais regorgent de hérons, d’aigrettes, de grenouilles, et d’une végétation typique des zones humides. Des panneaux pédagogiques jalonnent le sentier d’accès, offrant aux visiteurs une lecture accessible du paysage.
À marée basse, on observe les carrelets s’incliner sur leurs perches, des enfants courir entre herbes hautes et galets, tandis que quelques pêcheurs jettent leur ligne en silence. Un tableau paisible, presqu’imaginaire, mais bien réel.
Un attrait touristique qui reste mesuré
On est loin ici des files d’attente et de la surfréquentation estivale. Le phare de Richard attire en moyenne 20 000 visiteurs par an, avec un pic en juillet-août. Un chiffre modeste, mais qui suffit amplement à faire vivre le site sans le déséquilibrer. « On souhaite rester à taille humaine. Ce qu’on propose, c’est un moment de calme et de transmission. Pas une attraction », insiste François, président de l’association « Les Amis du Phare de Richard ».
Dans ce Médoc rural encore préservé du tourisme de masse, l’enjeu est clair : valoriser sans dénaturer. Les animations sont donc pensées en ce sens : concerts acoustiques, expositions d’artistes locaux, soirées contes au coucher du soleil… Ici, pas de feu d’artifice, mais des lucioles et le cri des hérons.
Un point d’ancrage pour les amoureux du territoire
Pour de nombreux habitants, le phare de Richard est plus qu’un site touristique : un repère. “Quand on revient de Bordeaux, on guette le sommet du phare entre les bosquets. On sait qu’on est bientôt chez nous”, témoigne Jean, viticulteur installé à quelques kilomètres. “C’est un phare pour les bateaux, mais aussi pour les gens d’ici.”
Ce lien affectif entre monument et population locale se ressent dans chaque pierre restaurée, chaque visite commentée, chaque animation familiale. Le site accueille aussi régulièrement des classes de primaire, venues comprendre la géographie de l’estuaire ou s’initier aux enjeux de la transition écologique.
Idée visite : comment s’y rendre et découvrir les alentours
Le phare est situé sur la commune de Jau-Dignac-et-Loirac, à une trentaine de kilomètres au nord de Lesparre-Médoc. On y accède facilement en voiture, via la D2. Une fois sur place, un parking gratuit accueille les visiteurs, mais attention : par temps de pluie, certaines zones peuvent devenir boueuses.
Une fois la visite terminée, pourquoi ne pas prolonger la découverte ? Quelques suggestions :
- La route des phares : de Richard à Cordouan, en passant par Grave, partez à la découverte des sentinelles de l’estuaire.
- Les marais du Conseiller : tout proches, ils proposent de belles balades nature et une découverte de la faune aquatique.
- Une dégustation dans les châteaux du Médoc : plusieurs propriétés proposent des dégustations sur réservation, et certaines disposent même de tables d’hôtes.
Entre ciel, terre et mémoire
Ceux qui s’arrêtent au phare de Richard repartent rarement indifférents. Tout ici parle d’équilibre : celui de l’eau et du feu autrefois utilisé pour guider les navires, celui d’un site préservé mais vivant, celui de traditions locales adaptées à leur temps. Ce petit phare, sans prétention, propose à sa façon un remède à la frénésie touristique et à l’oubli patrimonial. Et si c’était ça, le luxe aujourd’hui : prendre le temps de regarder l’estuaire, et d’écouter ce qu’il a à nous dire ?

