Le marché du surf en Aquitaine : état des lieux d’une filière en pleine expansion

Le marché du surf en Aquitaine : état des lieux d’une filière en pleine expansion

L’Aquitaine est aujourd’hui bien plus qu’un spot prisé des surfeurs en quête de vagues parfaites. La région s’impose comme l’un des principaux pôles européens du surf, à la croisée du sport, du tourisme, de l’industrie et même de l’innovation durable. Cette filière en pleine expansion redessine les contours économiques et sociaux du littoral atlantique. Mais derrière l’image carte postale, que se joue-t-il réellement sur la côte ? État des lieux d’un marché aussi effervescent que mouvant.

Un capital naturel hors norme

Avec près de 270 kilomètres de côtes, des spots réputés comme Hossegor, Biarritz ou Lacanau, et un climat favorable, la Nouvelle-Aquitaine dispose d’un terrain de jeu unique. Chaque année, des milliers de pratiquants – amateurs comme professionnels – viennent y défier les rouleaux de l’Atlantique.

« On a la chance d’avoir l’un des meilleurs littoraux de surf au monde, c’est un atout inestimable », souligne Philippe Malvaux, gérant d’une école de surf à Seignosse. Ce qui était autrefois une activité marginale est devenu un moteur économique pour de nombreuses communes littorales.

En haute saison, certaines stations voient leur population tripler, attirées par la promesse d’une communion avec l’océan – et, entre les lignes, par un art de vivre unique en son genre. Le surf en Aquitaine, ce n’est pas un simple loisir : c’est une culture, presque une religion.

Un secteur économique structurant

La surf économie, en Aquitaine, ce sont des chiffres solides : plus de 3 200 emplois directs, 450 structures recensées (écoles, fabricants de matériel, marques textile, etc.) et un chiffre d’affaires qui avoisine le milliard d’euros (source : EuroSIMA, 2023).

À elle seule, la zone Hossegor-Capbreton-Seignosse concentre près de 40 % des emplois liés au surf en France. Les marques internationales y ont pignon sur rue : Quiksilver, Rip Curl, Volcom ou Billabong y possèdent des sièges, ou du moins des antennes européennes.

Le surf irrigue aussi d’autres sphères : l’hôtellerie, la restauration, les transports, les événements sportifs ou encore l’immobilier saisonnier bénéficient directement de cette dynamique.

Vers un surf plus éthique et durable

Mais le développement de la filière vient aussi avec des responsabilités. Face à la montée des enjeux environnementaux, les acteurs du secteur sont de plus en plus nombreux à repenser leurs pratiques.

Des startups comme Notox, basée à Anglet, misent sur l’éco-conception pour fabriquer des planches avec des matériaux durables (bois, algues, liège). Leur fabricant local mise sur la relocalisation et la production à la demande, à contre-courant de la logique industrielle venues d’Asie.

« Aujourd’hui, fabriquer une board qui tient la route tout en limitant son impact carbone, c’est possible. Il faut juste accepter d’en payer le prix », précise Julien Vey, fondateur de Notox.

Autre exemple : les écoles de surf sensibilisent de plus en plus leurs élèves aux enjeux du milieu marin. Le label « École de surf responsable », piloté par la Fédération française de surf, se déploie peu à peu sur le littoral aquitain.

Le boom du tourisme surf

Impossible de parler du marché du surf sans évoquer le volet touristique. Loin de l’image cliché du backpacker en van aménagé, les clientèles évoluent. Entre les familles en quête de stages pour enfants, les retraités actifs ou les jeunes cadres avides d’expériences sportives, les profils se diversifient.

Les surf camps, hôtels thématiques, vans de location équipés ou encore plateformes de réservation affluent. Des hébergements comme le Jo&Joe à Hossegor ou Oustaou à Lacanau surfent sur cette tendance, mêlant pratique du surf, ambiance chill et offres codées lifestyle.

Ce tourisme de niche est un levier non négligeable de développement, mais nécessite une gestion équilibrée. L’enjeu : éviter une saturation du littoral en été, respecter les équilibres locaux et ne pas dégrader les écosystèmes déjà fragilisés.

Une filière qui fait des vagues jusque dans les écoles

Dans les Landes et les Pyrénées-Atlantiques, des formations spécifiques voient le jour. Que ce soit en management du sport, marketing du surf ou design industriel des planches, l’offre pédagogique se muscle pour répondre à un besoin croissant de professionnalisation.

L’Université de Pau et des Pays de l’Adour propose depuis 2022 un master orienté vers la gestion durable des sports de glisse. Une initiative saluée par les entreprises locales, souvent en difficulté pour recruter des profils qualifiés.

La Fédération de surf, quant à elle, a renforcé son partenariat avec les académies pour former plus de moniteurs diplômés, face à une forte demande en saison estivale. Un effort structurel qui témoigne des ambitions à long terme de la filière.

Entre compétition et législation : le surf dans tous ses états

L’accueil de compétitions internationales comme le Pro France à Hossegor (arrêté en 2022, mais en discussions pour un retour) a longtemps été un parfait tremplin de visibilité. Ces événements drainaient des milliers de spectateurs et soutenaient directement l’économie locale.

Néanmoins, les contraintes environnementales (natura 2000, ZNIEFF, etc.), les réglementations européennes et l’instabilité des financements ont rendu ces événements plus compliqués à maintenir. Plusieurs communes misent désormais sur des formats plus modestes mais plus intégrés à leur territoire.

Sur le plan réglementaire, la cohabitation entre surfers, baigneurs et pêcheurs reste un point de friction. À Biarritz ou à Lacanau, des arrêtés municipaux tentent d’organiser la pratique selon des zones et des horaires. Mais les tensions subsistent, surtout lors des pics de fréquentation.

Un autre enjeu émerge peu à peu : la gestion de la fréquentation des spots naturels, souvent sur-exposés, parfois dégradés. Des réflexions sont en cours avec le Conservatoire du littoral et les collectivités pour préserver à la fois la magie du lieu… et sa pérennité.

Portraits : des visages qui dessinent la filière

Derrière l’économie du surf, il y a surtout des hommes et des femmes passionnés. Comme Maëlys Chevalier, 32 ans, ancienne surfeuse pro devenue entrepreneure. Elle a lancé à Bidart une gamme de maillots techniques produits en circuit court. « J’ai grandi ici, et j’avais envie de rendre au territoire ce qu’il m’a donné. En bossant autrement, à taille humaine. »

Ou encore Nassim Saho, Marocain installé à Hossegor depuis 10 ans et shaper indépendant : « Ce qui me plaît ici, c’est la liberté. Mais elle a un prix. Il faut savoir s’adapter, être agile. »

Des profils variés, parfois précaires, tous animés par la même envie : vivre du surf sans renier leurs valeurs.

Et maintenant ?

Le marché du surf en Aquitaine grandit vite. Très vite. Peut-être trop vite ? Entre l’engouement sportif, la pression foncière, les attentes des touristes et les cris d’alerte des écologistes, la filière avance sur une ligne de crête.

La pérennité de ce modèle passera sans doute par l’ancrage territorial, une gouvernance partagée et une vigilance constante sur les équilibres à maintenir. Peut-on développer un sport nature tout en préservant la nature qui le rend possible ?

Une chose est sûre : les vagues, elles, continueront de rouler. Reste à savoir comment les humains choisiront de les accueillir…