Blottie au cœur de la commune de Lanton, sur la côte est du bassin d’Arcachon, la plage Suzette est l’un de ces trésors discrets que seuls les habitués daignent partager. Loin de l’agitation des plages les plus courues, elle offre un coin de nature préservée, à la fois sauvage et accessible, qui séduit les amoureux du calme, les photographes matinaux et les familles en quête d’authenticité.
Un écrin de nature entre pins et bassin
Ici, pas de béton ni de chichis. La plage Suzette, bordée de pins maritimes et ponctuée d’herbiers, conserve un visage brut, marqué par le rythme des marées et les caprices de la lumière. Lorsqu’on arrive par le petit sentier sableux, souvent accompagné du cri des goélands, la première impression est celle du dépaysement. À quelques encablures des ports ostréicoles, cette plage s’éloigne volontairement des circuits touristiques trop balisés.
« C’est notre havre de paix », résume Laurent, Lantonnais depuis quinze ans. « Ici, on croise surtout des voisins, ou quelques curieux qui se sont perdus en bien. »
L’endroit séduit aussi par son accessibilité. Située à proximité du sentier du littoral et de la Vélodyssée, elle s’offre aussi bien aux randonneurs qu’aux cyclistes. Un petit parking ombragé accueille les visiteurs motorisés — sous réserve d’arriver tôt les week-ends d’été.
Un lieu vivant au fil des marées
Contrairement aux plages océanes, la plage Suzette vit au rythme changeant du bassin. À marée basse, le plan d’eau se retire et donne à voir une vaste étendue de vasières, terrain de jeu favori des oiseaux limicoles. Les plus silencieux pourront y observer échasses blanches, avocettes, et parfois même un héron cendré posté en faction.
À marée haute, l’eau calme et peu profonde se réchauffe rapidement. C’est le moment privilégié des baignades tranquilles, des jeux de plage pour les enfants, ou simplement de la contemplation. La vue sur la presqu’île du Cap Ferret, au loin, offre une belle toile de fond pour les amateurs de photographie.
« Ce que j’aime ici, c’est l’ambiance. Y’a pas de musique, pas de jetski, pas de foule. On écoute les bernaches, on regarde les nuages », glisse Julie, venue de Bordeaux avec ses deux enfants. Un retour à l’essentiel revendiqué.
Derrière son calme, une richesse écologique
Ce que beaucoup ignorent, c’est que cette portion du littoral est aussi une zone sensible protégée. Nichée entre les réservoirs à poissons et les anciens prés salés, la plage Suzette accueille une biodiversité précieuse qui fait notamment la joie des naturalistes et des scolaires venus en découverte.
Des panneaux explicatifs y décrivent la flore locale (oyats, salicornes) et la faune observable. On y apprend également comment fonctionnent les écosystèmes du bassin, entre eau douce et salinité variable. Ces outils de sensibilisation, installés par le Parc naturel marin, rappellent que la quiétude du lieu dépend aussi du respect de certaines règles simples :
- Ne pas cueillir les plantes ni déranger la faune.
- Emporter ses déchets, même biodégradables.
- Rester sur les sentiers balisés pour éviter l’érosion.
Des gestes élémentaires qui permettent à chacun de profiter pleinement de ce cadre exceptionnel… sans le compromettre.
Un spot apprécié des locaux… et des ostréiculteurs
Si la plage attire les flâneurs, elle est aussi connue des professionnels du bassin. Juste à côté, les parcs ostréicoles rappellent que le travail de la mer rythme ici le quotidien. « À marée basse, on y bosse », sourit Pascal, ostréiculteur à Taussat. « Le reste du temps, on s’y repose un peu. »
Les cabanes ostréicoles, plus en retrait, donnent aussi une autre teinte au tableau. Le samedi midi, il arrive que quelques producteurs ouvrent leurs volets pour une dégustation sur le pouce : huîtres fraîches, pâté au piment d’Espelette, verre de blanc local. Le tout dans une ambiance simple et chaleureuse, propre aux villages du bassin.
Un plaisir auquel succombe volontiers Camille, trentenaire en télétravail installé récemment à Lège. « Ça change des terrasses bondées du centre-ville. Et puis parler avec les producteurs, c’est toujours plus intéressant que lire un menu. »
Des activités douces à portée de palmes
Si le site ne se prête ni au surf, ni au kite, il offre toutefois un terrain idéal pour les pratiques douces :
- Balades en paddle le long de la côte
- Pêche à pied sur les bancs de vase (palourdes, crabes)
- Yoga ou méditation face au lever de soleil
Plusieurs associations locales, telles que Lanton Escapade ou Bassin des Possibles, proposent des activités organisées autour de la plage : découverte de l’estran, initiations à la photographie de nature, ou balades contées au crépuscule. Un calendrier consultable en mairie ou sur leur site internet permet de repérer les temps forts de la saison.
La plage Suzette est aussi le point de départ de nombreuses randonnées vers les quartiers de Taussat et Cassy, ponctuées de belvédères, de passerelles sur les zones humides et de panneaux patrimoniaux retraçant l’histoire de Lanton et de ses habitants.
Un patrimoine discret mais bien vivant
Ce qui distingue Lanton, et par extension la plage Suzette, c’est cette manière subtile de faire vivre le patrimoine sans artifices. Ici, pas de grands panneaux touristiques, ni d’attractions tape-à-l’œil. L’information passe par les rencontres, les anecdotes, et les récits que certains acceptent de partager.
Comme Émile, 84 ans, ancien marin-pêcheur : « Là, autrefois, c’était un mouillage pour les pinasses, on mettait les bateaux à l’abri du vent d’ouest. Fallait connaître les horaires, y’avait pas de bouées ni d’appli météo. Juste le ciel… et la marée. »
Des histoires comme celle-ci, la plage Suzette en regorge — à qui sait écouter. On y croise des anciens, des passionnés d’ornithologie, des artistes en quête de matière. Une micro-société qui veille, à sa façon, sur ce petit coin de tranquillité.
Préparer sa visite : quelques conseils pratiques
Avant de partir explorer la plage Suzette, il convient de respecter certaines règles et d’anticiper les conditions locales :
- Consulter les horaires de marée : la plage change littéralement de visage en fonction du niveau de l’eau.
- Prévoir de bonnes chaussures : les chemins d’accès sont parfois sablonneux ou boueux.
- Amener de quoi se protéger du soleil : peu de zones ombragées directement sur la plage.
- Éviter les heures de pointe en été : la plage demeure prisée des familles locales.
Aucun commerce en bordure immédiate, mieux vaut emporter eau et encas. Les premières boulangeries ou glaciers se trouvent à Taussat, à quinze minutes à pied. Quant aux sanitaires, ils ne figurent pas sur place, mais des installations publiques existent à proximité du port de Cassy (accessible par le sentier).
Et pour ceux qui souhaitent prolonger l’escale, quelques chambres d’hôtes et petits campings offrent un hébergement simple et convivial à proximité. De quoi faire de cette pause nature un véritable séjour ressourçant.
Un équilibre fragile à préserver
À l’heure où de nombreuses plages du littoral subissent la pression du tourisme et les effets tangibles de l’érosion, des voix s’élèvent pour rappeler aussi la vulnérabilité de la plage Suzette. Des actions locales ciblées (nettoyages collectifs, balisages renforcés, suivis de faune) témoignent d’une volonté partagée de préserver l’esprit du lieu.
L’avenir de Suzette repose sans doute sur cette cohabitation réussie entre plaisir simple et intelligence collective. Une forme douce de tourisme où l’on prend autant qu’on donne. Et si c’était là, le secret d’un véritable coin de paradis ?