À mi-chemin entre la quiétude des coteaux gascons et la densité végétale des forêts landaises, le lac de Brouqueyran se niche en toute discrétion à la frontière du Lot-et-Garonne et du Gers, sur la commune de Brouqueyran, côté girondin. Peu connu du grand public, ce plan d’eau modeste par sa taille mais riche par son environnement naturel, attire chaque année un nombre croissant de curieux… sans jamais pour autant tomber dans les travers du tourisme de masse. Ici, pas de jet-skis ni de parasols alignés : juste la nature, à l’état presque brut.
Un écrin confidentiel en zone rurale
Officiellement désigné comme une réserve d’eau à vocation agricole, le lac de Brouqueyran couvre à peine 12 hectares. Pourtant, ce n’est pas son utilité première qui retient l’attention. Alimenté par les pluies et les petits ruisseaux environnants, il s’intègre naturellement dans le paysage vallonné du Sud-Gironde. La forêt y est omniprésente, créant une atmosphère apaisante propice à la déconnexion.
« On vient ici pour le calme, pas pour les attractions », résume Mireille, habitante de Casteljaloux, qui fréquente le lac dès qu’elle a « besoin de silence pour remettre les idées en place ». Elle n’est pas la seule. En semaine, on y croise des randonneurs solitaires, quelques pêcheurs aguerris et rare est la voiture que l’on entend en fond sonore. L’endroit semble suspendu, comme figé dans une tranquillité rare.
Un site préservé, loin des circuits classiques
Ce qui frappe, c’est l’absence presque totale d’infrastructures touristiques. Ni camping, ni snack, ni même bancs en bois. Un simple chemin de terre fait le tour du plan d’eau, à peine marqué, témoin de passages peu fréquents. L’entretien, réalisé par la commune et quelques bénévoles, permet un équilibre délicat entre accessibilité et préservation.
Ce choix du « minimum impact » n’est pas anodin. « Le lac n’est pas aménagé car il ne doit pas l’être », explique Didier Lacombe, adjoint au maire de Brouqueyran. « C’est une volonté. Nous voulons préserver l’endroit pour les habitants et pour ceux qui savent encore apprécier la nature sans la déranger. »
Un pari audacieux à l’heure du tourisme de performance, mais qui semble ici porter ses fruits. L’absence de signalétique touristique n’empêche pas les promeneurs de venir, bien au contraire.
Un paradis discret pour les pêcheurs
Peu de gens savent que le lac est pourtant bien connu au sein des cercles de pêche amateurs du Sud-Ouest. Les eaux y abritent carpes, brochets, perches et gardons. La profondeur modérée du lac et la diversité des zones de courant en font un terrain de jeu fertile et technique.
Jean-Christophe, 48 ans, pêcheur passionné originaire de Marmande, n’hésite pas à faire la route deux fois par mois pour « s’offrir une session où le bruit le plus fort, c’est le clapotis de l’eau ». Il évoque même une pêche “à l’aveugle” : pas de repère artificiel, peu de passages humains, une vraie immersion dans le sauvage.
La carte de pêche est bien sûr obligatoire, mais le lac reste accessible sans contrainte : pas de poste matérialisé, pas de barques autorisées. C’est à pied, et discrètement, qu’on s’y installe.
Un terrain exploratoire pour les naturalistes
La richesse de la flore et de la faune autour du lac attire également les amateurs de biodiversité. Orchidées sauvages au printemps, oiseaux migrateurs dès les premières fraîcheurs de l’automne, papillons rares signalés par le Conservatoire des Espaces Naturels… Le site, bien que non classé, possède un fort potentiel écologique.
Des naturalistes bénévoles effectuent chaque année des inventaires discrets, afin d’observer sans déranger. En 2022, une colonie de chauves-souris arboricoles (des pipistrelles communes) a été identifiée dans les frênes sud-est du lac. Leur présence confirme un équilibre écologique encore préservé.
« Ce sont des indicateurs. Quand les chauves-souris sont là, c’est que l’écosystème fonctionne encore », précise Hugo Monteil, écologue indépendant basé à Agen, qui mène quelques relevés à titre personnel sur le site.
Randonnée et observation en liberté
Même sans être fin pêcheur ou botaniste, une balade à Brouqueyran vaut le détour. Le sentier circulaire de 3 kilomètres, plat et facile d’accès, contourne entièrement le plan d’eau. Il traverse des zones de marais, des sous-bois humides et quelques clairières propices au pique-nique champêtre.
Il n’est pas rare, tôt le matin, d’apercevoir un chevreuil ou un héron cendré. L’absence d’éclairage artificiel attire également les amateurs d’astrophotographie qui, par temps clair, profitent d’un ciel libéré de toute pollution lumineuse.
Un petit point de vue, au nord-est du lac, surplombe légèrement la zone. Sans panneau ni balisage, il faut le deviner… ou le mériter. C’est aussi ce qui fait le charme du site : il se dévoile à ceux qui prennent le temps.
Quelques conseils pratiques pour les visiteurs
- Accès : Le lac est accessible librement en voiture via une petite route communale. L’entrée n’est pas signalée, mais un petit parking improvisé permet de stationner quelques véhicules.
- Période idéale : Entre avril et juin pour la floraison, ou septembre-octobre pour les lumières et le calme post-estival.
- Équipements : Aucun. Prévoyez de quoi vous hydrater, une poubelle personnelle, et repartez avec vos déchets. Le site ne dispose d’aucune poubelle publique.
- Animaux : Chiens autorisés tenus en laisse. La présence d’animaux sauvages réclame une vigilance particulière.
Enfin, prenez garde à ce que vous laissez derrière vous. Brouqueyran n’est pas un lieu de consommation, mais d’attention.
Un avenir à surveiller de près
À l’heure actuelle, aucun projet d’aménagement touristique n’est en cours, mais certains élus s’interrogent déjà : faut-il valoriser davantage ce site ? Est-il juste que seuls quelques initiés en profitent ? D’un côté, la préservation ; de l’autre, le droit à l’accès pour tous.
Si les choses restent en l’état, c’est aussi grâce à l’engagement discret d’habitants et d’associations comme l’ADPEHG (Association de Défense du Patrimoine Environnemental du Haut-Guyenne), qui veille au grain et s’oppose à toute initiative qui menacerait l’intégrité du site.
Reste à voir si les équilibres actuels tiendront face aux intérêts croissants, notamment en matière d’écotourisme. Le « tourisme doux », de plus en plus populaire, pourrait bien faire du lac une destination dans le viseur. Pour le moment, c’est un secret encore bien gardé. Mais pour combien de temps ?
Si vous cherchez un endroit à redécouvrir à chaque saison, loin du tumulte des plages bondées ou des sentiers balisés à outrance, pensez à Brouqueyran. Un lac, un silence, et vous.

