Dans une région aussi vaste et diversifiée que la Nouvelle-Aquitaine, le thermalisme conserve une place discrète mais essentielle. Loin d’être réservées à une élite ou aux seuls curistes médicaux, les stations thermales de la région diversifient leurs offres et séduisent aujourd’hui un public en quête de bien-être, de répit, voire de reconnexion avec des territoires souvent méconnus. L’eau chaude souterraine ne soigne pas seulement les rhumatismes : elle raconte aussi des histoires, façonne des villages et irrigue un tourisme à visage humain.
Un patrimoine thermal enraciné
Difficile de parler thermalisme sans évoquer l’histoire. En Nouvelle-Aquitaine, elle remonte à l’Antiquité. L’époque romaine a laissé des traces architecturales, mais surtout une tradition du soin par l’eau. Cette culture du thermalisme s’est poursuivie avec les siècles, atteignant son apogée à la Belle Époque, quand les stations thermales étaient aussi des lieux de villégiature mondaine.
Aujourd’hui, la région compte 12 stations thermales reconnues, réparties dans cinq départements. À elles seules, elles accueillent environ 80 000 curistes par an. Ce chiffre, relativement stable, pourrait grimper si le grand public redécouvrait tout ce que ces lieux ont à offrir au-delà de la cure conventionnée.
Dax et Saint-Paul-lès-Dax : le double cœur thermal des Landes
Avec leurs établissements adossés à des forêts de pins et bordés par l’Adour, Dax et sa voisine Saint-Paul-lès-Dax forment le plus grand complexe thermal de France. Ici, on soigne principalement les douleurs rhumatismales à l’aide du fameux péloïde landais, un mélange de boue thermale, d’eau minérale et d’algues locales. Mais les villes ne misent plus uniquement sur la médecine thermale conventionnée.
Les centres de soins proposent désormais des formules plus légères, baptisées “minicures” ou “escales thermales”, destinées aux actifs en quête d’un break régénérant. Une responsable du centre Thermes Bérot à Dax nous confie :
« On voit arriver une nouvelle clientèle : des trentenaires stressés, des parents fatigués, des salariés en quête de sommeil et de récupération. Le profil du curiste se diversifie clairement. »
Dax a aussi lancé un plan ambitieux de modernisation et de reconversion de ses infrastructures thermales vieillissantes, mêlant réhabilitation patrimoniale et nouvelles ambitions touristiques. De quoi repartir du bon pied, sans douleurs…
La Roche-Posay : l’expertise dermatologique
Moins connue sur le plan touristique, La Roche-Posay, dans la Vienne, est pourtant une référence nationale en dermatologie thermale. L’eau de sa source est d’une pureté telle qu’elle entre dans la composition des produits de la marque éponyme, filiale du groupe L’Oréal. La station attire chaque année plus de 7 000 patients, dont de nombreux enfants atteints d’affections cutanées chroniques.
Au-delà des indications médicales, l’endroit séduit par sa tranquillité et sa qualité de vie. Le village, labellisé “Station Verte”, mise sur un tourisme doux et durable. Difficile de ne pas apprécier la douceur d’un café en terrasse face au parc thermal, un livre à la main.
Randonneurs, parents en quête de vacances apaisées, familles éloignées des circuits touristiques classiques : La Roche-Posay attire ceux qui fuient la saturation touristique estivale. Une stratégie alternative qui semble porter ses fruits.
Cambo-les-Bains : entre cure et culture basque
Installée à flanc de colline, Cambo-les-Bains déroule son charme à quelques kilomètres de Bayonne. Les bienfaits de son eau sulfurée sont connus pour soulager les voies respiratoires et les troubles articulaires. Mais Cambo se distingue surtout par son identité basque affirmée, qui imprègne l’ensemble de l’expérience thermale, de l’architecture néo-basque du centre aux produits proposés dans les boutiques alentour.
C’est aussi ici que se trouve la Villa Arnaga, demeure d’Edmond Rostand, transformée en musée. Un détour quasi-obligatoire après une séance de massage ou un bain hydromassant.
Le thermalisme flirte ici avec la culture et le patrimoine, et pose une question tout sauf anodine : pourquoi choisir entre repos du corps et enrichissement de l’esprit ?
Châtel-Guyon ou Saujon : des stations à taille humaine
Dans un registre plus intimiste, certaines stations de moindre renommée n’ont pas dit leur dernier mot. Saujon, en Charente-Maritime, s’est fait une spécialité de l’anxiété et des troubles du sommeil. En collaboration avec des psychiatres et psychosomaticiens, l’établissement développe une approche thérapeutique globale, tournée vers la santé mentale.
Selon une étude locale, près de 70 % de ses curistes retrouvent un meilleur équilibre émotionnel à l’issue de leur cure. C’est modeste, mais prometteur dans un contexte où les souffrances psychiques sont parfois peu prises en charge.
Plus au nord, Châtel-Guyon propose un cadre bucolique, au cœur des volcans d’Auvergne (bien que frontalier à la région). Son offre s’ouvre peu à peu au tourisme de bien-être, avec notamment des séjours “détox urbaine” incluant yoga, alimentation saine, et immersion dans la nature. Une formule qui attire les jeunes actifs en quête de recentrage.
Des vertus économiques et écologiques
Outre leurs bénéfices sur la santé et le bien-être, les stations thermales jouent un rôle non négligeable dans le tissu économique local. Elles génèrent des emplois non délocalisables, valorisent les circuits courts (produits du terroir, artisanat), et participent activement à la dynamique touristique.
Plusieurs stations expérimentent d’ailleurs des pratiques durables, à l’image de la géothermie pour la récupération de chaleur ou des jardins thérapeutiques contributifs.
À Bagnères-de-Bigorre, dans les Hautes-Pyrénées (limitrophes), un programme de réutilisation de l’eau thermale usée alimente les espaces verts municipaux. Une première en France, qui pourrait inspirer d’autres villes thermales de la région.
Pourquoi maintenant ?
Alors que la santé mentale devient un enjeu sociétal majeur, que les politiques publiques réhabilitent la prévention, et que le tourisme aspire à plus d’authenticité, les stations thermales se retrouvent à la croisée des chemins.
S’ajoute à cela un facteur générationnel : la quête de sens, de pleine conscience, et la volonté de prendre soin de soi sans culpabilité. Le thermalisme, longtemps vu comme désuet ou élitiste, retrouve une pertinence nouvelle — à condition de savoir se renouveler.
La Nouvelle-Aquitaine dispose ici d’un véritable levier stratégique. Avec un patrimoine thermal bien réparti, des savoir-faire ancrés, et une qualité de territoire certaine, elle peut imposer une vision post-moderne du thermalisme : curative sans être strictement médicale, relaxante sans être futile.
Des séjours pour tous les profils
Si l’image du senior en peignoir blanc reste tenace, les stations adaptent aujourd’hui leurs offres à des publics divers :
- Les actifs épuisés peuvent opter pour une pause de 5 jours en “mini-cure anti-burn-out”, souvent prise en charge en partie par certaines mutuelles.
- Les familles trouvent dans des stations comme La Roche-Posay ou Cambo-les-Bains une offre adaptée : logements avec cuisine, animation enfants, centre-ville accessible à pied.
- Les sportifs optent pour des stations proches de sentiers de randonnée (Eugénie-les-Bains, Barbotan) qui proposent aussi des soins de récupération musculaire.
Reste à dépasser les clichés et à amorcer une communication plus moderne, plus inclusive — ce que certaines structures ont déjà compris. Réseaux sociaux, influenceurs du bien-être, partenariats avec des coachs : la cure se raconte autrement.
Le chemin est encore long pour dépoussiérer complètement l’image du thermalisme, mais en Nouvelle-Aquitaine, les eaux sont déjà en mouvement. Et vous, à quand votre prochaine parenthèse thermale ?
